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Vigneron, un métier en pleine mutation aux domaines Auriol
En quelques années, le métier de vigneron a profondément changé. Claude Vialade, fondatrice des domaines Auriol, une maison à la sensibilité féminine, revient sur le chemin parcouru.
Depuis 30 ou 40 ans, comment le métier de vigneron s’est-il transformé ?
La mondialisation fait que le métier est ouvert au monde en matière d’opportunités, mais aussi de concurrences. Le consommateur est très exigeant et le Français n’est plus seul au monde. Cela implique une adaptation à l’évolution des goûts et aux langues internationales. En agriculture, les normes phytosanitaires ont aussi beaucoup changé. Nous sommes formés aux nouvelles législations. La viticulture artisanale est passée à une viticulture d’intégration avec une économie de terroir ouverte sur son monde tant économique, social, que réglementaire. Le climat conditionne également nos pratiques. C’est pourquoi au château Cicéron, nous menons une culture expérimentale pour préparer le prochain siècle qui doit être économe en eau. C’est un projet unique où nous sortons des cépages traditionnels. Nous utilisons le Verdejo (sous protocole expérimental européen). Ce dernier supporte très bien la chaleur. Nous faisons des sélections clonales et des porte-greffes en fonction de chaque parcelle. Nous en sommes déjà à la 3ème feuille.
Quelles stratégies ont été mises en place pour vous adapter ?
Du fait des grandes évolutions, nous avons analysé le marché pour nous intégrer au mieux. Le métier de vigneron ne se passe plus uniquement dans les vignes et le chai. C’est un tout avec la qualité des ressources humaines, la formation des hommes, la logistique, le marketing… Nous défendons une viticulture identitaire et portons haut la valeur Languedoc avec la sédentarisation en milieu rural par le développement de la mise en bouteille sur les lieux de production. Nous sommes producteurs autant que maison de négoce et nous privilégions le territoire avec ses vins septentrionaux autour d’un élément central, la Romanité. Les appellations ont comme des marques. Il faut faire reconnaître la région par sa qualité ce qui passe par la traçabilité et le maintien d’une économie locale. Le marché bio a aussi beaucoup évolué pour devenir très important et nous suivons la réglementation en matière de santé et d’environnement. Nous devons nous adapter aux nouvelles conditions mondiales.
Quelle est votre vision de l’avenir ?
Pour parler d’avenir, il faut se plonger dans le passé. Il y a 20 ans, on produisait 33 millions d’hectolitres et on disait que nous étions en surproduction. Aujourd’hui on produit 13 millions et on nous dit encore la même chose. Il faut mener un véritable questionnement. Il y a quelque chose qu’on n’a pas compris dans la réflexion du développement du vin. Les des deux dernières décennies n’ont pas été optimisées. Pour moi, le Languedoc n’a pas encore été assez dans la qualité. Par ailleurs, l’apparition du monde céréalier dans le monde du vin est inquiétante. On ne peut pas occulter que cette capitalisation du céréalier ne soit pas une tête de pont pour amener les OGM dans la viticulture. D’où l’importance de la traçabilité, du développement du partenariat avec les vignerons et de la niche du bio. Nous devons réagir par la pertinence et la justesse de l’offre commerciale, couplés à la rapidité des transports. De plus, il faut pouvoir répondre au marché anglo-saxon en étant visible dans les revues qui font loi (wine adviser, wine and spirit international…). L’oenotourisme donne aussi une valeur autre que celle marchande. Il montre notre art de vivre, notre écosystème, la culture occitane et fait appel à d’autres sensations, d’autres valeurs.
Propos recueilli par Gaëlle Guéant – L’indépendant Lundi 29 Août 2016 page 11.